L’IA au ‘College of the Desert’ : Outil d’avenir ou défi pédagogique ?

L’intelligence artificielle (IA) est au cœur d’un paradoxe croissant dans les établissements d’enseignement supérieur. Tandis que des administrations, comme celle du ‘College of the Desert’ (COD), célèbrent l’IA comme une révolution technologique à adopter, le corps professoral en première ligne est confronté à ses dérives, notamment en matière de tricherie académique.

Un « monstre » dans la salle de classe virtuelle

Une professeure d’un ‘community college’ (université de premier cycle) partage son expérience déconcertante. Enseignant un cours en ligne sur la mythologie nordique et le monde viking, elle a longtemps valorisé les échanges sur les forums de discussion. « Jusqu’à récemment, » raconte-t-elle, « quand j’ai été attaquée par un monstre. Un monstre généré par un robot. »

L’incident concerne une étudiante, « Delores », ayant soumis une analyse de 300 mots. Le texte faisait référence à des sources non assignées et utilisait « le type de langage sophistiqué que j’attribuerais à un étudiant de troisième cycle dans un séminaire de littérature avancée ». La professeure souligne le contexte : son établissement forme principalement des étudiants en informatique, justice pénale, soins infirmiers et commerce, et non des spécialistes de littérature.

La confrontation et le « baratin de bot »

« Je lis des travaux d’étudiants depuis trois décennies, » explique-t-elle. « J’ai aussi appris, ces dernières années, à reconnaître les textes générés par l’IA, que j’appelle ‘bot-bull’ (baratin de bot). » Le travail de Delores en était un exemple flagrant. Lors d’un entretien Zoom, l’étudiante a nié avec véhémence. La professeure a tenté d’expliquer la finalité de l’exercice : non pas la recherche pure, mais le développement de la « pensée critique et des compétences rédactionnelles ».

« Cela ne fait pas plaisir d’accuser quelqu’un de tricher, » admet-elle. Malgré une approche se voulant ferme mais compréhensive, la professeure s’est sentie démunie. « Ce n’est pas monstrueux, n’est-ce pas ? Alors pourquoi me sentais-je comme un monstre ? » La semaine suivante, Delores a rendu une bibliographie annotée sur l’éthique médicale, confirmant son détachement total du cours.

Le COD célèbre l’IA comme une innovation majeure

Cette réalité de terrain contraste vivement avec la vision stratégique promue par la direction du ‘College of the Desert’. Lors du récent discours sur « l’état du collège » (State of the College), l’innovation en matière d’IA était le message central. Val Martinez Garcia, président et surintendant du COD, a exprimé l’enthousiasme de l’établissement, notamment avec le futur campus de Palm Springs, où « l’enseignement de l’IA s’épanouira ».

« Il y a cette peur que l’IA prenne le contrôle du monde. Ce n’est pas le cas, » a déclaré Martinez Garcia. « C’est un outil que nous pouvons maîtriser et utiliser, tout comme l’Internet a été une technologie de rupture il y a deux décennies. […] Nous pouvons préparer nos étudiants pour demain. »

Nouveaux programmes et partenariats stratégiques

L’événement, qui a attiré des dizaines de dirigeants de la Coachella Valley, comprenait des éléments interactifs tels que des bornes photo IA et un modèle numérique IA du surintendant animant une partie de la soirée. Joel Kinnamon, président du conseil d’administration du district, a confirmé que le collège collaborait déjà avec des innovateurs locaux, dont certains issus de la Silicon Valley, pour développer des cursus dédiés.

« Nous aurons une programmation vraiment unique pour nos étudiants, les préparant à l’émergence de cette technologie, » a affirmé Kinnamon. Le défi reste de réconcilier cette ambition institutionnelle avec la réalité des enseignants qui, comme pour le cours de mythologie nordique, doivent gérer les « monstres » que cette même technologie introduit dans leurs salles de classe.