L’IA dans l’éducation : Entre innovation universitaire et impératifs de prudence

Alors que l’intelligence artificielle s’impose comme une force de transformation majeure dans la société, le secteur de l’éducation se trouve à la croisée des chemins. D’un côté, des institutions prestigieuses comme l’Université Rice à Houston investissent massivement pour intégrer l’IA dans leurs cursus et leurs recherches. De l’autre, des experts tirent la sonnette d’alarme quant aux risques d’un déploiement précipité et non réglementé de ces technologies dans les écoles, notamment pour les plus jeunes.

L’Université Rice, pionnière de l’intégration de l’IA

Avec le début de l’année universitaire 2025-2026, l’Université Rice a pris des mesures audacieuses pour exploiter le potentiel de l’intelligence artificielle. Guidée par son plan stratégique décennal, l’université se positionne en leader mondial du développement et de l’application responsables de l’IA et des technologies de rupture.

De nouveaux programmes académiques, des subventions pour le corps enseignant, une infrastructure de calcul de pointe et un accès élargi à de puissants outils d’IA constituent le cadre global mis en place par Rice. L’objectif est double : préparer les étudiants aux défis de demain et accélérer les découvertes dans toutes les disciplines.

« L’IA redéfinit l’enseignement supérieur et la société à un rythme sans précédent », déclare Amy Dittmar, doyenne et vice-présidente exécutive des affaires académiques. « À Rice, nous nous engageons à adopter ces outils de manière responsable, non pas comme des substituts à la pensée critique, mais comme des accélérateurs de celle-ci. »

Pour ce faire, l’université a lancé plusieurs initiatives concrètes. Des bourses permettent aux professeurs d’expérimenter avec des outils d’IA et de développer de nouveaux cours sur leurs impacts techniques, éthiques et sociétaux. L’école d’ingénierie a inauguré un nouveau Bachelor en IA, et un partenariat avec Google offre un accès équitable aux plateformes avancées comme Gemini et NotebookLM à l’ensemble de la communauté universitaire. De plus, Rice a investi dans le Rice AI Networked GPU Engine, une ressource de calcul de pointe équipée des derniers processeurs NVIDIA, destinée à faire avancer la recherche dans des domaines variés comme la biologie computationnelle, la modélisation climatique ou la science des matériaux.

Un appel à la prudence pour l’IA dans les écoles primaires et secondaires

Si l’enthousiasme est palpable au niveau universitaire, une note d’orientation politique récente invite à une plus grande prudence concernant l’intégration de l’IA dans les classes de primaire et de secondaire. Ce document rappelle que les technologies éducatives (EdTech), promues par des entreprises à but lucratif, n’ont pas tenu leurs promesses par le passé. Au contraire, les résultats scolaires en lecture et en mathématiques ont atteint leurs plus bas niveaux depuis des décennies, tandis que la santé mentale des élèves s’est dégradée.

Le rapport met en garde contre le risque de répéter ces erreurs à plus grande échelle avec l’IA. Les auteurs soulignent que la dépendance des élèves à l’IA pourrait accélérer le déclin des compétences cognitives et sociales fondamentales. De plus, les systèmes d’IA actuels sont susceptibles d’exposer les enfants à des contenus préjudiciables ou inappropriés pour leur âge, voire de faciliter des activités criminelles comme la production de « deepfakes » pornographiques.


Vers un encadrement nécessaire : concilier marché et pédagogie

Face à ces risques, la note politique propose une solution claire : la création d’un programme fédéral de certification pour les technologies éducatives basées sur l’IA. Pour recevoir des fonds fédéraux, les entreprises devraient ainsi prouver que leurs produits respectent des directives strictes en matière de sécurité, de transparence et de pertinence pédagogique.

Cette approche répond aux objections courantes. À l’argument selon lequel le marché doit stimuler l’innovation, les experts rétorquent que les incitations financières des entreprises (maximiser l’engagement par la gamification) ne sont pas toujours alignées avec les objectifs pédagogiques. Exiger des normes pour l’utilisation de l’argent public n’est pas une régulation excessive, mais une simple responsabilité budgétaire.

L’objectif n’est pas de diaboliser les entreprises, mais d’aligner leurs intérêts financiers sur les bons résultats éducatifs. Le modèle actuel, où 96 % des applications éducatives partagent les données personnelles des enfants avec des tiers, est jugé défaillant. Enfin, préparer les enfants à un monde dominé par l’IA ne signifie pas intégrer cette technologie dans chaque tâche scolaire. La véritable maîtrise de l’IA consiste à savoir quand l’utiliser et, surtout, quand s’en passer pour développer la créativité, la pensée critique et les compétences relationnelles, qui seront plus précieuses que jamais.

Chiffres clés et perspectives

Certaines données illustrent l’urgence d’une réflexion approfondie sur l’usage des écrans et des technologies à l’école :

  • 6 minutes : c’est le temps de concentration moyen d’un élève sur un appareil éducatif avant d’être distrait par une autre activité sur ce même appareil.

  • 84 % : c’est la proportion des districts scolaires qui déclarent fournir un appareil numérique à chaque élève du collège ou du lycée. Cette omniprésence des écrans, combinée à l’arrivée d’outils d’IA non certifiés, rend la question de la régulation et de la pédagogie plus cruciale que jamais.